-
RETOUR A MALLORCA
Notre premier séjour en mai 2022 ne nous avait pas permis de visiter complètement l'île de Mallorca. C'est pourquoi nous y sommes revenus cette année.
Comme prévu, nous sommes revenus à Mallorca pour visiter correctement cette belle île dont nous n’avions fait qu’entrevoir les charmes en 2022.
Plus grande île de l’archipel des Baléares, Mallorca a connu une histoire mouvementée. Conquise par les Romains, les Vandales, les Maures, les Francs puis les Catalans, elle fut même le centre du royaume indépendant de Mallorca sous le règne de Jacques II, fils de Jacques 1° d’Aragon de 1276 à 1344. Ce royaume incluait les comtés du Roussillon et de Cerdagne et les villes de Collioure et de Montpellier.
Aujourd’hui, les îles Baléares constituent, au sein de l’Espagne, une communauté autonome avec un Parlement et un président. Si l’agriculture qui produit citrons, amandes et olives est bien implantée dans l’île, c’est aujourd’hui le tourisme qui en constitue la principale ressource avec plus de 16 millions de visiteurs par an dont beaucoup d’Allemands. L’agréable climat méditerranéen, le pittoresque centre ancien de Palma, les charmants villages et surtout les paysages extraordinaires créés par la mer au bleu profond, les plages de sable, les côtes découpées et les montagnes couvertes d’une végétation odorante font oublier l’urbanisation excessive de certaines zones.
Comme la dernière fois, nous avons d’abord rejoint Barcelone, cette fois-ci avec un autocar Flixbus dont le tarif imbattable compense les 5 heures du trajet dues surtout aux deux pause pipi-café et aux arrêts à la gare de Perpignan et à l’aéroport de Girona.
La gare de Perpignan est une gare exceptionnelle depuis que, lors de son passage le 19 septembre 1963, l’excentrique Salvador Dalí y éprouva une sensation foudroyante qu’il appela "une espèce d’extase cosmogonique" et qui lui donna, dit-il, "une vision exacte de la constitution de l’univers". Le 27 août 1965, il y revint en grande pompe pour décréter officiellement la gare “Centre du monde”.
Aujourd’hui, la gare par ailleurs tout à fait banale, est devenue une attraction touristique.
À Barcelone, après le désormais habituel petit suspense, nous embarquons sur le vol Vueling prévu qui nous dépose à Palma 55 minutes plus tard.
Après avoir récupéré la voiture de location, nous longeons le bord de mer pour rejoindre notre hôtel, Isla Mallorca, dans un quartier calme des hauteurs de l’est de la ville. Du balcon de la chambre, on peut admirer la silhouette du château de Bellver qui, du haut de sa colline, domine la ville.
Nous dînons à l’hôtel car la journée a été longue et nous n’avons pas envie de partir à la recherche d’un restaurant en ville.Palma de Mallorca
Sous un beau ciel bleu strié des trainées de plusieurs avions, nous partons à pied à la découverte de la ville. La journée promet d'être parfaite. Descendus jusqu’au bord de mer nous passons près de l’hôtel Artmadants dont les façades sont peintes de jolis dessins très colorés.
Le bord de mer est agréable malgré la circulation sur la grande avenue. Nous montons dans le quartier de Jonquets dominé par plusieurs moulins à vent qui auraient bien besoin d’être restaurés.
Quartier agréable et tranquille constitué de jolies petites maisons.
De beaux bougainvilliers garnissent les balcons et les rebords des terrasses.
Plus loin c’est la très agréable place Drassana bien ombragée sous de grands platanes.
Elle se trouve derrière le Consolat de Mar, ancien tribunal du commerce datant du 17° siècle. Tout à côté, c’est la LLotja, remarquable bâtiment de style gothique construit entre 1426 et 1447, ancien siège de la chambre de commerce de Mallorca, chargé de réguler le commerce très florissant à l’époque et d’entretenir le port. Aux 16° et 17° siècles, la piraterie et l’importance stratégique et commerciale prise par l’Atlantique entraînèrent le déclin du commerce en Méditerranée et la LLotja devint une halle aux grains puis une caserne et même une fabrique de canons pendant la guerre d’indépendance de 1808 à 1814.
Aujourd’hui, bien restaurée, on peut admirer sa façade surmontée de créneaux et de tourelles, son entrée principale aux airs de tympan d’église, tandis que le plafond de l’immense salle est soutenu par de fines colonnes torsadées qui se déploient en forme de palmiers.
Nous arrivons ainsi au Parc de la Mer, un espace gagné sur la mer. Il y a énormément de monde car il y a 3 gros bateaux de croisière dans le port.
Le parc s’allonge le long d’un plan d’eau où se reflète la cathédrale perchée sur son promontoire. Sous le soleil, le grès doré de ses multiples contreforts resplendit. Photo obligatoire.
Les fortifications s’étendent jusqu’au pied de la colline, en bordure des jardins du Roi où un ancien canal permettait d’accéder directement au palais depuis la mer. C’est de là que démarrent les escaliers permettant de rejoindre le sommet de la colline dominés par les murs du Palau Real de l’Almudaina.
Arrivés en haut des escaliers, on est dominé par la masse impressionnante de la Seu. Sa construction sur le site de l’ancienne mosquée maure a duré trois siècles, de 1306 à 1601. Le clocher est un peu excentré car il a été édifié sur la base de l’ancien minaret. Elle fut en partie détruite au début du 19° siècle par un tremblement de terre qui fit s'écrouler la façade et les voutes.
Nous commençons par le palais de l’Almudaina construit en 903 pour servir de résidence au gouverneur maure. Après la reconquête, il fut utilisé par les rois chrétiens de Mallorca. C’est encore aujourd’hui une résidence de la famille royale actuelle. Derrière les murs épais, une enfilade de belles pièces souvent vides, dont celle des cheminées et la salle du Conseil ornée de magnifiques tapisseries.
Ces salles s'ouvrent sur une immense terrasse donnant sur la mer. À l’époque, la côte était quasiment au pied de la forteresse mais aujourd’hui la vue s’étend sur le port dominé par la masse imposante des bateaux de croisière qui y sont amarrés.
L’escalier d’honneur vers les étages est encadré par deux magnifiques lions aux têtes bizarrement plates.
A l’étage, on peut voir la magnifique salle de réception et le bureau du roi éclairé par de grandes fenêtres donnant sur une élégante galerie gothique ouverte sur la mer. C’est dans ce dernier que l’émir musulman Abou Yahia se serait rendu au roi Jacques 1° d'Aragon en 1229 lors de la reconquête.
En bas, ouvrant sur la cour et ses grands palmiers, on pénètre dans la joli chapelle Ste Anne, son sol de marbre rouge, son vitrail avec l’Alpha et l’Omega.
En sortant de ce beau palais, il ne reste plus qu’à aller visiter la Seu, la cathédrale, même si nous l’avons déjà fait l’année dernière. Elle est tellement belle. La nef est immense, très haute, éclairée par de nombreux vitraux dont les 2 grandes rosaces à chaque extrémité.
Au-dessus de l’autel, est suspendue une immense structure étonnante due à Gaudí. Elle serait, parait-il, inachevée, sa réalisation ayant été interrompue par la mort de l’artiste.
A droite du chœur, la chapelle du Saint Sacrement réalisée par Miquel Barceló, un artiste plasticien natif de l’île, étonne par son style bien particulier et attire tous les visiteurs. Les murs sont recouverts de céramique représentant d’un côté la mer avec les poissons, de l’autre coté la terre avec les fruits qui poussent à Majorque. Dans l’angle gauche, une représentation du miracle de la multiplication des pains et dans l’angle droit, une grotte symbolisant les multiples cavités de l’île. Au centre, un amoncellement de cranes et d’ossements représente la mort. Au-dessus, une plaque en cuivre (ou en or ?) symbolise les Saintes Écritures, elle-même surmontée d’une vague forme humaine représentant le Christ plus fort que la mort.
Après avoir encore admiré la vaste nef et ses magnifiques rosaces, nous quittons la cathédrale pour aller voir les bains arabes datant du 10° siècle, seul vestige intact de l’occupation arabe. Dans son récit "Un hiver à Majorque" que nous avons lu avant de partir, George Sand écrivait : « Quoique Majorque ait été occupée pendant 400 ans par les Maures, elle a gardé peu de traces réelles de leur séjour. Il ne reste d’eux qu’une petite salle de bains ». Le lieu est assez décevant, seule une salle de hammam avec sa coupole et ses colonnes dissemblables car réalisées à partir de matériaux de récupération, mérite un coup d’œil.
En revanche, le jardin qui l’entoure est très joli avec beaucoup de fleurs et des citronniers pleins de fruits.
Il est déjà 15 h quand nous sortons de là quelque peu affamés. Sans le faire exprès, nous avons adopté les horaires de repas espagnols. À quelques centaines de mètres de là, sur notre trajet vers la place de Cort, nous trouvons un petit restaurant italien sympa à l’angle des rues del sol et du monte Sion et nous nous installons pour déjeuner sur son agréable terrasse ombragée.
Après avoir avalé d’excellentes penne pasto genovese, une pizza et un expresso bien serré, nous continuons vers la place de Cort avec son énorme olivier plusieurs fois centenaire dominée par le bâtiment typique de l’Ajuntament, la mairie de Palma.
L’étape suivante est le château de Bellver qui domine la ville du haut de sa colline couverte de bois de pins. Pour y aller, nous empruntons le bus panoramique qui nous fait faire le tour de la ville avant de nous déposer au château.
Le château est assez curieux, de forme circulaire avec son donjon qui se dresse à l’extérieur de la structure. Il a été bâti au 14° siècle pour servir de résidence au roi Jacques II mais fut surtout utilisé comme prison. La cour intérieure est entourée de deux étages d’arcades gothiques aux jolies colonnes géminées.
Du sommet, on jouit d’un immense panorama sur la ville, la baie et toute la partie sud de l’île.
Il ne reste qu’à redescendre en ville avec le bus suivant et retourner à l’hôtel pour savourer un bon moment de détente bien mérité au bord de la piscine.
Pour le dîner de ce soir, nous descendons vers le centre-ville jusqu'à la place du pont où un restaurant bien sympathique appelé El Puente nous accueille. Il est encore quasiment vide, les Espagnols étant encore à l'apéritif. Nous y dégustons un bon repas à l’espagnole suivi d’une glace à la gelateria voisine.
La ville est très animée. Il est vrai que nous sommes vendredi soir, début de week-end.
LA SIERRA TRAMONTANA
Nous quittons Palma pour parcourir la Sierra Tramontana dont nous n’avions eu qu’un petit aperçu l’an passé. Après un tronçon d’autoroute jusqu’à Peguera, la route grimpe dans les montagnes et virevolte parmi les bois de pins maritimes. De temps en temps, on bénéficie de belles vues sur la mer.
Lors d’un arrêt au col de Sa Gramola, nous constatons que la pancarte annonçant le lieu est presque couverte de stickers. Nous découvrirons plus tard que ce sont les nombreux cyclistes qui parcourent ces routes qui placent les autocollants de leurs clubs sur tous les panneaux qu'ils rencontrent.
La route continue de serpenter sous les pinèdes à flanc de montagne en offrant à intervalles de beaux points de vue sur la mer et sur quelques villages qui s’accrochent à flanc de terrasses, tel Banyabulfar, au milieu des vignes et des pinèdes qui dévalent jusqu’à la mer.
La route quitte le versant maritime pour s’enfoncer dans les terres et traverse un plateau couvert de plantations d’oliviers. Des vrais, plantés pour produire des olives. Des arbres magnifiques au tronc torturé et aux branches taillées à la perfection.
Nous repassons à Valldemosa où nous étions venus l’an dernier. Il y a beaucoup de monde aujourd'hui, les bateaux de croisière ayant déversé leur cargaison de touristes qu’une longue colonne de bus a emmené jusqu’ici. Il a fallu se garer loin du centre du village mais cela nous a permis d’admirer parmi d'autres voitures anciennes, deux jolis cabriolets, une Triumph TR6 et une Porsche 356 speedster parfaitement restaurées.
La jolie rue principale ombragée par les acacias fleuris est envahie de monde.
Nous retrouvons les céramiques qui ornent la plupart des façades des maisons et retracent la vie de Catalina Tomás, une sainte originaire du village et vénérée dans toute l’île.
Nous retournons au monastère. La visite de ce haut lieu est un peu compliquée puisqu’ayant été vendu à différentes entités, il faut acheter son billet à des guichets différents selon la partie que l’on veut visiter.
Avec le billet pour visiter seulement la "cellule" de Chopin et George Sand, nous débouchons directement dans le long couloir qui dessert les logements.
C’est dans ce monastère que Frédéric Chopin et George Sand accompagnée de ses deux enfants Maurice et Solange, ont passé l’hiver 1838 - 1839. Ils étaient venus là pour tenter de soigner la tuberculose de Chopin. On peut lire le récit de ce séjour dans "Un hiver à Majorque". L'écrivaine n'avait pas été très appréciée des villageois de l'époque et elle le leur rendait bien en ne se montrant pas très enthousiaste vis-à-vis des Majorquins. Visiblement, elle a été pardonnée !
Nous accédons directement à la cellule n°4, identifiée comme étant celle où le couple a séjourné. En fait de cellule, c’est un appartement de 3 pièces assorti d’une belle terrasse fleurie ouvrant sur un vaste panorama sur les montagnes environnantes.
Les 2 pièces principales sont agrémentées de divers meubles, photos d’époque et souvenirs.
Le piano Pleyel que Chopin avait fait venir de Paris puis vendu avant son départ trône en bonne place. C’est sur ce piano et au cours de ce séjour que Chopin aurait composé deux de ses chefs-d'œuvre, les Préludes et la Polonaise.
Un cadran solaire assez austère portant la date de 1778 est fixé au pignon qui domine la terrasse.
Comme nous n’avons pris qu’un billet pour la cellule de Chopin, nous n’avons pas droit au reste de la visite du monastère et nous sortons directement dans l’agréable jardin dominé par le clocher au tuiles vernissées. Une statue de Chopin figure en bonne place pour offrir un excellent premier plan pour les photos.
À Valldemosa, Chopin est omniprésent, par contre George Sand dont la réputation n'avait certainement pas dépassé les frontières françaises, est à peine mentionnée.
Nous reprenons la MA 10 qui monte vers le nord, serpentant à mi-hauteur de la chaine de montagnes au milieu d’un paysage de pins maritimes et pins parasols, de genêts en fleurs, et de rochers. Quelques villages se serrent sur des promontoires dominant la mer. Deia est l’un d’entre eux, ses maisons de pierre ocre couronnés par l’église. Dès 1895, le poète anglais Robert Graves s’y était établi, rapidement suivi par peintres et artistes célèbres tels Picasso ou Anaïs Nin, lui donnant une notoriété similaire à celle de notre St Tropez. Aujourd’hui le village est un haut-lieu touristique et il est impossible de s'y garer. Comme nous l’avions visité l’année dernière, nous ne nous arrêtons pas.
Nous cherchons un endroit pour déjeuner et c’est aux portes de Soller que nous trouvons un restaurant bien sympa pour le faire à l’ombre d’un beau figuier. Une pause bien agréable.
Nous finissons d’arriver à Soller où nous allons faire étape. L’hôtel se trouve dans une petite rue étroite et piétonne du centre. Je remarque les voies du tramway qui passe dans certaines rues.
Il y a beaucoup de monde sur la place principale à cause d’un mariage. La mariée et sa longue traine accompagnée de jolies demoiselles d’honneurs en noir, descend d’une belle voiture ancienne.
La ville est pavoisée de plusieurs drapeaux, le majorquin, un drapeau rouge ressemblant à celui de la Turquie et un drapeau blanc à croix rouge.
Renseignement pris, il s’agit de la fête appelée "Es Firó", commémoration de la bataille entre les habitants de la ville et les Maures qui ont débarqué là pour conquérir l’île le 11 mai 1561. Finalement, ils furent repoussés. Le drapeau rouge est celui des Maures et le blanc celui des Croisés. Le plus gros de la fête s’est déroulé les jours précédents, seuls restent ces multiples drapeaux sur pratiquement toutes les maisons de la ville.
Soller est construite dans un cirque de montagnes ouvrant sur la mer. Ce bassin bien protégé des vents a longtemps vécu de la culture des oranges et citrons qui étaient exportés vers la France et la Belgique. Aujourd’hui, c’est le tourisme qui est la principale ressource mais de grands vergers entourent toujours le centre urbain.
Après avoir posé nos bagages à l’hôtel, nous allons prendre le tramway pour descendre à Port de Soller. C’est l’attraction principale du lieu. Ce vieux tramway en bois démarre de la gare de Soller puis traverse la place de la Constitution, emprunte les rues étroites de l’agglomération, puis longe en bringuebalant vergers d’orangers et de citronniers. Vingt minutes plus tard, nous arrivons au bord de l’eau. La voie longe la plage jusqu’à son terminus près du port.
Port de Soller est situé au fond d’une grande baie fermée, bien abritée du large au point que pas une vaguelette ne vient perturber la baignade. Mais la proximité du port ne donne pas grande confiance dans la propreté de l’eau. Nous allons néanmoins nous poser sur la plage de sable et nous enhardissons à nous baigner. Faute d’être parfaitement claire, elle n’est pas très froide, sans doute 20 ou 21°.
Nous immortalisons cet instant sur fond de baie.
Une passante se propose de nous prendre en photo avec son propre téléphone car, dit-elle, il fait d’excellentes photos. On se laisse faire. Elle nous prend en photo puis en profite pour nous parler de son appartenance à la religion bouddhiste. Je lui donne mon numéro de téléphone pour qu’elle m'envoie les photos par WhatsApp, ce qu’elle fait dans la soirée. Effectivement, ses photos sont très bien.
Nous reprenons le tram pour revenir à Soller. Il y a beaucoup de randonneurs qui embarquent dans le tram avec nous. La Sierra est parcourue de nombreux sentiers dont le fameux GR 221 qui traverse presqu'intégralement la Sierra du sud au nord, de village en village.
Revenus à Soller, nous nous installons au frais sur la place principale face à l’étonnante église pour déguster une caña con lemon bien fraîche. Le tramway passe tout près, frôlant les lauriers roses qui délimitent la terrasse du bar, se signalant par son antique sifflet.
Nous dînons dans l’un des restaurants de la place où règne une bonne ambiance. Je prends des chipirones, petites seiches grillées délicieuses. Il y a beaucoup de monde dehors, les enfants jouent au ballon, font du vélo. Face à nous, se dresse l’église construite par un disciple de Gaudí toute en pierres de taille. Elle est assez massive, peu élégante, tout comme l’immeuble de la banque Santander tout à côté. Mais de nuit, avec l’éclairage, elle a meilleure allure.
Quand nous sortons de l’hôtel le dimanche matin, nous découvrons une agitation inhabituelle sur la place car le départ et l’arrivée d’une course en montagne y a été installé . Deux circuits de 9 et 26 km, ce dernier amenant les concurrents jusqu’au sommet de l’Orte qui domine la vallée de ses 1090 m. Des tas de jeunes et moins jeunes se préparent, avalent un en-cas, s’échauffent, mettant une ambiance sympathique.
Nous prenons notre petit-déjeuner dans l’un des bars envahi par les coureurs et en lisant sur le journal local le compte-rendu du couronnement du roi Charles III puis nous quittons Soller.
Nous retrouvons la belle route tortueuse qui grimpe dans la montagne boisée jusqu’au col de Tirella qui est franchi par un tunnel. Le mirador de Ses Barques offre un beau point de vue sur la vallée de Soller et sur la baie de Port de Soller.
De l’autre côté, la route redescend, longe les lacs de barrage de Cuber et de Gorg Blau avant d’arriver à l’embranchement qui mène à Sa Calobra.
C’est une magnifique route vertigineuse qui descend vers la mer pendant 12 km de virages et épingles dans un paysage de montagnes grandioses. Il faut rouler prudemment car de nombreux cyclistes parcourent cet itinéraire.
En bas, parking payant obligatoire. Il est encore tôt, à peine 9h, et il n’y a pas encore de monde. Au fond d’un golfe étroit, Sa Calobra est un peu décevant car les constructions de restaurants et autres commodités touristiques ont envahi le site, les terrasses des restaurants arrivant jusqu'au bord de l’eau. En plus, le soleil est caché par des nuages.
Mais dès que le soleil arrive au fond de ce vallon étroit, la mer passe du gris à un joli bleu. Nous n’hésitons pas à nous baigner dans une eau un peu fraîche mais parfaitement claire.
Puis, nous empruntons le sentier aménagé qui longe la côte en direction du torrent de Pareis.
Le torrent de Pareis est une gorge par laquelle le fameux torrent dégringole des montagnes et vient se jeter dans la mer. C’est d’ailleurs une très belle randonnée mais qualifiée de très difficile.
On accède à l’embouchure par un long tunnel creusé dans la roche.
La plage de gravier au débouché du torrent ne fait pas plus de 20 m de large, coincée entre les parois à pic des falaises.
L’eau est merveilleuse. Nous sommes peu nombreux. Un magnifique endroit, un site à ne surtout pas rater.
Lorsque nous revenons vers Sa Calobra, nous rencontrons des hordes de touristes. Plusieurs bus sont effectivement garés sur le parking et nous en croisons encore 3 autres en reprenant la route. La montée est délicate avec les nombreux cyclistes à doubler sur cette route où s’enchaînent les virages sans visibilité.
Nous reprenons la route qui mène vers Pollença. Elle virevolte au milieu d’un paysage sauvage composé de forêts de pins, de chênes verts et d’oliviers d’où dépassent des pointes de rochers aux formes torturées. Il y a toujours autant de cyclistes et la prudence s’impose.
La route passe près du sanctuaire de Lluc. Nous y faisons halte pour le visiter alors que le ciel qui s’est lentement couvert commence à laisser tomber quelques gouttes d’eau.
L'endroit aurait été occupé dès la préhistoire car il est naturellement protégé au fond d'une vallée où abondent bois, gibier et eau. En 1229, une église fut construite pour y prier la Vierge Marie à la demande du roi Jacques 1° d'Aragon.
La statue de la Vierge serait apparue miraculeusement à un berger à cet endroit. Sur le lieu même de la découverte, une basilique succéda à la chapelle initiale pour y abriter cette statue baptisée la Moreneta en raison de sa couleur noire.
Le premier pèlerinage eut lieu en 1273 puis la fréquentation s'intensifia en particulier avec l'épidémie de peste bubonique de 1348 et la Moreneta devint la sainte patronne de l'île.
Aujourd'hui, c'est un grand centre religieux où parkings payants, restaurants, boutiques de souvenirs, musée, installations sportives et hébergements voisinent avec la basilique.
Comme il est déjà tard, nous commençons par déjeuner dans l’un des restaurants du lieu avant de passer à la visite. On aborde le sanctuaire par une grande cour parcourue par une allée d’ifs qui mène directement à une fontaine, ancien abreuvoir à chevaux. Au fond, s’élève le grand bâtiment qui abrite différents services, le musée et les chambres de l’hostellerie moderne.
Sur la droite, s’allonge l’ancienne hostellerie avec ses chambres à l’étage le long d’une galerie tandis qu’en dessous s’alignent les mangeoires pour les chevaux. Plusieurs stands d’artisanat s’y sont installé, bien à l’abri des intempéries.
Après avoir franchi le porche, on débouche sur une nouvelle cour où, sous de grands palmiers et des magnolias, se dresse une inquiétante statue, celle du père Joaquim Rosselló, fondateur de l’ordre des missionnaires du Sacré Cœur et qui fut prieur du Lluc de 1891 à 1901.
Construite de 1622 à 1691, la basilique San Bartolomeu s’élève dans une nouvelle cour au centre de laquelle a été érigée la statue d’un évêque agenouillé faisant face à la façade austère et massive de la basilique.
À l’intérieur bien sombre, on peut admirer plusieurs retables baroques dont celui en fer forgé, réalisé par Gaudí. La nef est surmontée d’une inhabituelle coupole ornée de médaillons et d’un lanternon.
La fameuse statue en grès de la Vierge à l’enfant noircie par les ans mais, selon la légende, par tous les malheurs qu’elle dût porter, se trouve derrière l’abside où une chapelle est installée, probablement sur l’emplacement de la chapelle originelle.
Derrière la basilique, au pied du rocher au sommet duquel aurait été trouvée la statue, se dresse un étonnant cadran solaire où cinq cadrans sont juxtaposés, indiquant les heures historiques, les heures moyennes et le temps vrai.
Nous visitons ensuite le musée qui présente objets de bronze, statuettes et bijoux de l’époque talayotique, vêtements, céramiques et autres. À l’étage, la pinacothèque offre une collection de tableaux d’artistes majorquins. Quelques jolis tableaux d'un réalisme saisissant ont attiré mon attention, en particulier ceux de Guillem Gil dont l'œuvre concerne essentiellement la Sierra Tramontana.
Dans la liste des peintres figurant sur le dépliant, on trouve le nom de Joán Miro mais le seul et unique tableau de lui est tout petit et n’est qu’un vague gribouillage en noir. Où sont passé les couleurs vives qui caractérisent son œuvre ?
Nous reprenons la route qui dégringole de la montagne dans un paysage sauvage où les bouquets de végétation, chênes verts, genêts aux fleurs d'or, se mélangent avec les blocs de rochers calcaires.
Le temps n’étant pas beau, nous laissons de côté Pollença que nous avions visité l’an dernier et filons directement à Port de Pollença rejoindre l’hôtel Capri où j’ai réservé. Il se trouve sur le front de mer mais notre chambre ne donne pas de ce côté-là. On ne peut pas tout avoir. Le ciel est toujours couvert et un fort vent de l’est rafraîchit l'atmosphère. Promenade apéritive sur le front de mer très agréable où nous savourons l'ambiance tranquille et familiale de cette station.
LA CÔTE ORIENTALE
Le lendemain matin, nous prenons notre petit-déjeuner sur la terrasse en compagnie d’un moineau déluré qui vient carrément picorer le pain dans notre assiette.
Nous quittons Port de Pollença sous un beau soleil matinal qui est revenu éclairer la baie.
Nous montons d’abord au mirador Es Colomer pour admirer les vertigineuses falaises de la presqu’île de Formentor. Etant déjà venus là l’année dernière, nous évitons d’aller jusqu’au 2° mirador au bout de la route qui n’est pas plus spectaculaire et où il est difficile de se garer.
Nous filons ensuite vers Alcúdia par la route qui longe la côte. La plage est envahie d’une épaisse couche d’algues brunes poussée par les vagues. À Alcúdia, nous prenons la petite route qui serpente le long de la côte de la péninsule pour atteindre l’ermitage de San Victoria.
La chapelle est fermée par une grille et un cadran solaire très simple orne la façade.
Pas grand-chose à voir donc, mais le site est agréable, au calme, et le panorama sur la baie de Pollença est grandiose.
Nous faisons ensuite un arrêt au cimetière d’Alcúdia à l’entrée duquel une stèle a été élevée à la mémoire des victimes de la guerre civile espagnole. J’aime beaucoup l’épitaphe "À ceux qui ont perdu leurs illusions, la liberté ou la vie".
Nous aimons bien visiter les cimetières. On y apprend beaucoup sur la manière dont les habitants du lieu traitent leurs morts. Il y a parfois des tombes émouvantes.
Après Alcúdia, la route continue de longer la côte qui est maintenant assez fortement urbanisée. Heureusement, régulièrement des accès sont aménagés et bien signalés et disposent de parkings. Mais ici aussi la plage est envahie par les mêmes algues, poussées par les vagues. Nous continuons notre route en direction d’Arta puis bifurquons sur la Ma 3331 qui mène à Colonia Sant Père. C’est un petit village au bord de l’eau. Ici plus d’algue mais plus de plage non plus, la côte est rocheuse et battue par la houle. À côté du port de plaisance, une plagette a été aménagée avec du sable et une digue pour la protéger. Nous y faisons une pause bronzage et baignade avant de déjeuner sur place à la terrasse d’un petit restaurant, à l’ombre des tamaris et face à la mer, en compagnie d'un groupe de cyclotouristes allemands.
En passant à Arta, j’avais prévu de monter jusqu’à l’ermitage de Betlem mais des travaux de voierie à l’intérieur du village bloquaient la route et nous avons dû renoncer après avoir tourné un moment dans les petites rues étroites pour tenter de contourner l'obstacle.
Ce sera remplacé par la plage de Cala Mesquida. La jolie plage reçoit de plein fouet la houle du large et les vagues y sont fortes. D’un côté, une haie de résidences hotellières de standing et de l’autre la nature sauvage avec ses dunes et leur végétation spécifique et une forêt de pins, le tout faisant partie de la réserve naturelle du cap Freu.
Mais les fortes vagues et le drapeau rouge nous dissuadent de nous baigner et nous rejoignons directement Cala Rajada où j’ai réservé à l’hôtel Triton. La côte est rocheuse et il n’y a pas de plage. Nous allons marcher sur la promenade du front de mer bien aménagée. Plus on approche du centre, plus les restaurants et bars sont nombreux. La clientèle est tranquille et familiale et le dîner au restaurant recommandé par le Routard est très bien.
Le lendemain matin, le temps est toujours au beau fixe et nous décidons de retourner à Cala Mesquida car le vent est tombé et les vagues sont moins fortes. La mer est bien un peu fraiche mais qu’il est agréable de nager dans cette eau claire et remuante. On y reste un bon moment alternant baignades et bronzage.
La suite de notre trajet nous fait passer par la petite ville de Capdepera dominée par un château fort qui se dresse au sommet d’un éperon. Nous décidons d’aller voir.
Des fortifications furent élevées ici dès l’an 310 par les Romains. Les conquérants maures prirent la suite avant d’être remplacés par les troupes de Jacques I° d’Aragon qui avait reconquis l’île. C’est dans cette forteresse que les Maures qui occupaient encore Menorca signèrent le traité de Capdepera par lequel il se soumettaient au roi chrétien mais étaient autorisés à rester sur place.
Dans l’enceinte, il ne reste que la maison du gouverneur où un petit musée a été aménagé et la chapelle où l’on peut voir un christ en bois d’oranger et une statue de la Virgen de Esperança, patronne du village. Le toit de la chapelle offre un panorama splendide sur toute la côte, Minorca se laissant apercevoir dans le lointain.
Puis nous reprenons la route vers Manacor, connue pour être la ville natale de Rafael Nadal et pour les fameuses perles de Mallorca. On s'égare un peu dans la campagne environnante avant de trouver le complexe Nadal où voisinent un remarquable centre sportif et un musée. Entre le commentaire négatif du Routard et le prix de 18 € par personne pour visiter le musée, nous nous contentons d’une photo devant le panneau publicitaire et d’acheter un porte-clé souvenir.
En ville, la fabrique de perles qui n’est en fait qu’un magasin, est plus facile à trouver.
Les perles de Manacor sont artificielles et créés à partir d’un procédé mis au point en 1890 par Edouard Heusch, un industriel allemand. Un noyau en opaline aux reflets irisés est trempé jusqu’à 36 fois pour les plus belles perles dans un bain de substances marines qui leur donne leur couleur particulière puis recouverte d’une sorte de pâte adhésive huilée et nacrée, à la formule secrètement gardée qui améliore leur irisation, uniformise leur couleur et les rend imperméable à la décoloration. Plus d’une dizaine de nuances de couleur sont disponibles.
Malgré l’immense choix et la sollicitude d’un vendeur qui parlait un excellent français, nous n’achetons pas de bijou perlé.
Nous profitons d’être en ville pour la pause repas à la terrasse d’un petit restaurant blotti au pied du clocher de la cathédrale. Un excellent repas servi rapidement par un serveur enjoué.
Nous reprenons la route qui nous ramène inexorablement vers Palma et la fin du voyage. À hauteur de Felanitx, nous allons voir l’ermitage de Sant Salvador qui se dresse au sommet d’une colline de 510 m, le point le plus haut de la Sierra de Llevant, petit pendant oriental de la Sierra Tramontana.
La route est étroite et tortueuse mais au sommet la récompense est l’immense panorama sur quasiment toute l’île depuis la Sierra Tramontana à l’ouest, la presqu’île de Formentor au nord, toute la plaine centrale et la côte est. Au loin, on aperçoit même l’île de Menorca.
Le vent atténue la chaleur du soleil car il faisait 31° tout à l’heure à Manacor. Le sanctuaire en lui-même est assez massif et on ne peut visiter que la petite chapelle. J’y rencontre 4 jeunes qui me demandent de les prendre en photo. Ce sont des Ukrainiens et je bavarde un instant avec eux.
Nous redescendons dans la plaine. Tout près de là, il faut aller voir la Cala Sa Nau, une jolie calanque en zigzag enserrée entre des parois rocheuses et qui se termine par une petite plage de sable. Pas d’immeuble pour gâcher le paysage, juste les pins et les bosquets de lentisques. Et l’eau est admirablement transparente.
Il est plus de 19 h quand nous quittons cet endroit paradisiaque pour rejoindre Palma.
Le long de la route que nous empruntons, la MA 19, nous voyons à intervalles réguliers ces panneaux annonçant que la route a été construite par des prisonniers républicains. Ces prisonniers provenaient du camp de la péninsule du Levant , l’un des 180 camps de prisonniers franquistes établis entre 1936 et 1942.
J’ai réservé dans un hôtel situé en bord de mer à Can Castilla, à courte distance de l’aéroport car notre vol retour est à 8h35 et il faut auparavant restituer la voiture de location. Nous allons dîner au restaurant Don Caracol recommandé par le réceptionniste. C'est effectivement un vrai restaurant avec une clientèle locale, pas un établissement pour touristes.
LE RETOUR
Il faut se lever à 6 h, c’est le point le plus désagréable de la journée. A l’aéroport, la restitution de la voiture et l’enregistrement se passent bien et sans suspens car il y a de nombreuses places libres dans l’avion.
Au revoir Mallorca.
Notre fils Matthieu nous attend à Barcelone et nous emmène chez lui en voiture. Nous avons le temps de discuter au frais sur son balcon puis d’aller déjeuner au restaurant chinois en face de chez lui.
La suite est sans histoire, métro jusqu’à la gare Sants puis TGV jusqu’à Montpellier. La boucle est bouclée.
Pendant ces quelques jours nous avons pu vraiment découvrir cette île magnifique et très touristique qui nous a enchantés. Nous avons été surpris par le nombre de randonneurs qui arpentent les sentiers de la Sierra Tramontana ainsi que par le nombre incroyable de cyclistes qui roulent sur la plupart des routes de l’île.
Mallorca comme l’ensemble des Baléares est devenu un fief allemand, à tel point que dans les zones les plus fréquentées, tout est écrit en allemand, des pancartes aux menus des restaurants, et il n’y a même pas de version en espagnol. Quant au français, ce n’est même pas la peine d‘y penser.
Nous avons beaucoup aimé Palma qui est une très belle ville, tranquille malgré sa taille.
La Sierra Tramontana offre des paysages magnifiques, sauvages, de jolis villages aux vieilles pierres dorées et quelques sites extraordinaires. Sa Calobra, bien qu’encensée, est décevante mais la crique sauvage du ravin de Pareis, tout à côté, uniquement accessible par un sentier et un tunnel creusé dans la falaise, compense largement. La petite ville de Soller a conservé un cachet authentique sans doute grâce à son tramway bringuebalant qui en augmente le charme. On s’y sent bien au milieu des Espagnols pour une fois bien plus nombreux que les touristes.
La côte orientale a fait l’objet d’une urbanisation intense mais il reste quelques sites agréables. La Cala Sa Nau, vierge de toute construction nous a séduits, tout comme le pittoresque château de Capdepera. A la pointe nord-est, la plage de Cala Mesquida est magnifique, les nombreuses résidences de standing construites à cet endroit n’ayant pas défiguré le lieu.
Une très belle île proche de chez nous que je vous encourage à aller visiter si vous ne l’avez pas déjà fait.
Tags : mallorca, majorque, palma, valldemosa, max labatut, labatut, sa calobra, sierra tramontana, soller, baléares
-
Commentaires